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1985 - Courrier Sud

Toulouse - Saint-Louis-du-Sénégal - Rio de Janeiro

1985 - Courrier Sud - Toulouse/Saint-Louis-du-Sénégal/Rio de Janeiro

Sommaire

Introduction

Sur le trajet des avions de l’Aéropostale, et, en commémoration de la première traversée de l’Atlantique Sud, les organisateurs de Courrier Sud ont conçu une course de vitesse avec passage de témoin sur le parcours Toulouse > Saint Louis du Sénégal > Natal > Rio de Janeiro et retour.

Chaque équipe est composée de 4 pilotes et de 2 avions.

  • un équipage A reliera Toulouse – Saint Louis et retour en vol VFR (vol à vue)
  • un équipage B reliera Saint Louis – Rio via Natale et retour en vol IFR (vol aux instruments).

Entre les 2 équipages A et B, le passage de témoin, un sac postal en l’occurrence se fait à Saint Louis du Sénégal sans que le chronomètre s’arrête.

Equipage

Avions

Le SPEED CANARD

Le TWIN COMANCHE

Récit

Récits d’Alain DENISE pilote du SPEED CANARD sur le parcours africain.

Le choix de l’avion s’est porté sur un aéronef d’avant garde, le Speed Canard : celui–ci a une excellente finesse aérodynamique, ses performances  vitesse , consommation , autonomie sont remarquables d’après le constructeur .

Seuls 7 engins de présérie existent en Europe.

Je suis allé en Belgique pour trouver le seul exemplaire en location.

Avec un instructeur de Bruxelles j’ai fait une formation de 7h pour la prise en main et acquérir la qualification de type .

De retour à Montargis, je n’ai réceptionné l’appareil qu’un mois après, la veille de partir pour Toulouse.

Montargis > Toulouse

Etroit, le cockpit en tandem du Speed Canard nous impose d’emmener le strict minimum de bagages en plus des cartes aéronautiques indispensables au périple. A part nos trousses de toilettes, JM FRESNAULT et moi avions confié nos sacs de voyage  à R MICHEL et Ph PEISSEL pilotes du bimoteur Piper Twin Commanche que nous retrouverons à Toulouse puis à Saint Louis du Sénégal à l’aller comme au retour.

Le vol Montargis – Toulouse nous a permis pour la première fois de nous familiariser avec l’avion en équipage, et, de le tester au cap en longue navigation.  Là, surprise : LE SPEED CANARD NE VOL PAS DROIT.

Une fois les commandes de vol et le Trim réglés, les commandes relâchées, l’avion s’incline légèrement et vire lentement à gauche.

Ceci m’imposera durant toute la course à piloter avec un palonnier excentré. Outre la fatigue par obligation d’appuyer sur le palonnier en permanence pour voler droit, les performances vitesse et consommation dues à un aérodynamisme perturbé s’en ressentent. Malgré une navigation facile, la N 10 – Bordeaux- la Garonne , nous arriverons à Toulouse un peu fourbus et déçus de ne pouvoir régler le problème avant la course.

Trajet aller

La course TOULOUSE – SAINT LOUIS

Les consignes de vol sont claires pour les équipages :

Volant en VFR (vol à vue) nous ne pouvons voler qu’entre le lever  et le coucher du soleil + 1h.

Après El Ayoun (Sud Maroc), interdiction de voler au dessus de l’ex Sahara espagnole pour cause de rébellion sahraouis ; les vols se feront au dessus de la mer au niveau FL 100 et à 20 nautiques des côtes.

Le chronomètre sera enclenché au décollage et s’arrêtera une fois les roues posées pour chaque étape.

Départ de Toulouse Blagnac  le 9 Mai 

Au briefing MTO une dégradation météorologique est annoncée en fin de matinée sur les Pyrénées. Pressés de partir, nous choisissons avec Jean Marie de ne pas prendre de risques et de mettre le cap sur Perpignan puis Barcelone et la côte espagnole.

Une fois décollé le moteur tourne  rond, nous voyons défiler l’Espagne , le Nord du Maroc puis Agadir. Le vent est favorable mais pas assez pour atteindre Dakhla. Nous nous posons à

El Ayoun 1 h avant la nuit, heureux d’être arrivés sans incident mécanique sur ce long trajet .

El Ayoun - Saint louis le 10 Mai

Levés à l’aube pour décoller tôt, notre déception sera grande de voir les stratus bas recouvrirent le terrain et l’horizon.

Pas d’autorisation de décollage avant que le ciel ne se dégage. Nous attendrons plus de 3h avant d’avoir le feu vert du commandant d’aérodrome.

Une fois en l’air, après avoir évité la zone sahraouis, je retrouve comme l’année précédente sur la Transafricaine, les falaises, et les dunes de Mauritanie. Le fleuve Sénégal n’est plus très loin. Saint Louis et sa lagune me sont familiers. Le terrain apparaît au Nord de la ville.

Posés sur l’unique piste, nous fonçons sur le taxiway jusqu’au Twin commanche . Il est 17h, Raymond MICHEL et Ph PEISSEL nous attendent cockpit ouvert ; je saute hors du Speed Canard pour leur passer le sac postal.  Cinq minutes plus tard, sous nos yeux pleins d’admiration et avec une certaine émotion, ils décollaient pour une traversée de l’atlantique sur les traces des pionniers de l’aéropostale.

Saint Louis

Nous faisons le jour même de notre arrivée le plein d’essence pour être fin prêt dès le retour de nos amis de Rio, via  Natale.

Le remplissage des réservoirs se fait à l’aide d’une pompe à main et d’un entonnoir recouvert d’une peau de chamois pour éviter gouttelettes d’eau et saletés dans le carburateur.

Le lendemain 11 Mai, la remise des prix des équipages du trajet Sud a lieu à l’hôtel Mermoz : coïncidence ?

Le 11 Mai1930, Jean MERMOZ partait de Saint Louis du Sénégal pour la première traversée  de l’Atlantique Sud

Nous sommes classés 15ème sur 22  du trajet africain. L’attente à El Ayoun pour raison MTO nous aura coûté cher.

En attendant nos équipiers, nous aurons le plaisir de nous promener sur les plages de Saint Louis, d’assister au retour des pêcheurs sur leurs pirogues colorées, d’approcher les Saints –  Louisiennes au marché. Un seul regret, ne pas être allé sur le site de l’hydrobase de l’aéropostale faute de temps.

Venant de Rio, après avoir vaincu le < Pot au Noir >,  Raymond MICHEL et Philipe PEISSEL se classeront 1er des équipages du trajet Sud, ayant réalisé les 2 traversées. Un grand coup de chapeau à nos 2 équipiers.

Trajet retour

SAINT LOUIS - TOULOUSE

Pour notre retour le Speed  Canard et la météo nous compliqueront la tâche.

Jusqu’au Nord du Maroc, la MTO est clémente, les ravitaillements et les kilomètres se succèdent sans trop de soucis si ce n’est de toujours appuyer sur le palonnier à  gauche pour voler droit : cela  m’occasionnera quelques crampes. L’interphone du cockpit ne fonctionne plus mais qu’importe, pour couvrir le bruit du moteur placé juste derrière nous, nous crions et arrivons à nous comprendre.

Arrivés sur la côte sud de l’Espagne, le PC course nous informe d’une dégradation météo avec le passage d’un front froid sur la Catalogne et le Sud de la France. Obligés de nous poser avant le coucher du soleil, nous choisissons l’aéroport international de Valence  comme dernière étape avant Toulouse. Nous nous faufilons  dans le trafic aérien suivant les instructions de la tour de contrôle. Une fois posés nous sommes dirigés vers le parking des avions privés.

L’accueil est sympathique et nous avons un certain succès avec notre drôle d’engin. < Vous venez d’où  > < le Sénégal !!! > … etc.…

Le lendemain au lever il pleut légèrement. Une fois le plan de vol déposé nous avons l’autorisation du contrôleur pour poursuivre notre route. Peu de temps après le décollage le ciel s’assombrit,  la pluie redouble d’intensité. Nous volons à 100m au dessus de la Méditerranée, la visibilité est réduite, nous ne distinguons plus la côte, le ciel  se confond avec la mer.

L’horizon artificiel subitement ne fonctionne plus. Contraints, la décision est prise pour un retour sur Valence.

Après avoir attendu plusieurs heures sur le tarmac, les conditions météo s’améliorent. Nous avons l’autorisation de décoller avec l’espoir d’arriver à destination en temps et en heure.

Valence - Toulouse

Nous nous alignons : le Speed avale la piste. Train et volets rentrés : non, le voyant lumineux du train électrique ne fonctionne pas.  Une fois ? Deux fois ?  Le train est toujours sorti. J’actionne manuellement le train avant qui se décide à rentrer.

Nous volerons ainsi à 500m en zigzaguant entre les stratus le long de la côte jusqu’à la frontière.

 Le plafond diminue mais Perpignan se profile au loin. Encore un  peu plus de 150 kms à effectuer jusqu’à Toulouse.

Avec 300m de plafond on devrait y arriver. J’annonce ma position < OO.LOQ à 30 minutes de l’arrivée > . < Dépêchez vous, un ligne d’orages arrive > nous répond l’organisation.

L’arrivée et séquence émotion

A 5’ du terrain de Toulouse Blagnac, je demande une arrivée directe en longue finale et sort le train : après plusieurs manœuvres le train ne sort ni électriquement ni manuellement. Je remets les gaz et en informe la tour qui me met en stand by au dessus des hangars d’Airbus Industrie pour ne pas perturber le trafic.

Le ciel devient noir à l’ouest de la piste et les premiers éclairs apparaissent. Je m’acharne à essayer toute sorte de manœuvre pour faire sortir le train lorsqu’une forte turbulence me soulève du siège. La tête cogne le cockpit et au même moment un grand clac se fait entendre : le train vient de sortir ! Ouf , mais est il sorti complètement pour autant ? Est il verrouillé ?

Nous nous concertons avec Jean Marie sur la façon de se poser.

 Je demande à la tour de contrôle l’autorisation de faire un passage très proche pour que les contrôleurs puissent me dire si visuellement le train est complètement sorti.
< Affirmatif  le train semble sorti complètement >

N’étant pas sûr qu’il soit verrouillé je demande de me poser sur la partie en herbe à la droite de la piste pour éviter des dégâts sous le cockpit de l’avion.

Après avoir averti le service sécurité, la tour nous donne le feu vert pour se poser sur la 32, piste bitumée.

Je présente  le Speed Canard comme pour un appontage en retardant au maximum de poser la roue avant. A peine le train fixe posé un camion de pompiers roule à nos cotés prêt à envoyer sa neige carbonique.

En définitive, ce sera un atterrissage en douceur, avec un train sorti et verrouillé non par le pilote,  mais par une forte turbulence…

A peine la piste dégagée, il se mit à pleuvoir de façon conséquente.

Au parking avion, un cordon de la police de l’air retenait les familles, et amis, rassurés mais pressés et désireux de nous congratuler. Quelques coups de parapluie permirent à mon épouse de briser le cordon de sécurité pour venir me retrouver !!!

……. Le lendemain matin j’étais convoqué par le commandant de l’aérodrome…

Dans la soirée ce sera une sympathique remise des prix .

Notre team se classe 2ème par équipes. Ce sera une grande fierté pour nous 4.

En marge de la course : le retour épique Toulouse - Montargis

Toulouse : la météo nous annonce une dépression arrivant par l’Ouest sur le Nord de la France. La décision est prise de partir le plus rapidement possible et de voler en ayant un visuel permanent sur le Twin Commanche. En effet le Speed canard sans horizon artificiel ne peut voler qu’en conditions de vol à vue correctes.

Toulouse  –  Limoges : la navigation est facile : nous sommes tous les 4 en contact radio assez souvent. Nous perfectionnons notre vol en escadrille en ajustant nos vitesses de croisière qui sont très différentes d’autant plus que  < le Canard > vole le train avant sorti ( je ne souhaite pas me retrouver dans les même conditions d’atterrissage à Montargis qu’à Toulouse ).

Passé Vierzon, les stratus sont à 300m et le plafond diminue au fur et à mesure que les 2 avions progressent. Nous volons maintenant à 100m l’un derrière l’autre. Je suis Raymond tel un poisson pilote. Ne pouvant garder le cap direct sur Montargis à cause d’un rideau de pluie fine nous faisons cap vers l’Est en direction de la Loire. La visibilité est mauvaise. Je perds de vue le Twin et demande sa position à Raymond. Après quelques minutes (qui me parurent longues ), < nous sommes verticale la centrale EDF de  Belleville sur Loire, nous t’attendons là en tournant autour > . J’ajuste mon cap et devine les 2 tours. Je tourne par la droite autour des tours car les nuages jouxtent  le sommet de celles ci. Pas de Twin Commanche. Puis en un instant je croise à moins de 100m Raymond qui tourne dans l’autre sens !!!

Il bruine et nous reste 70 kms à faire. Nous survolons à basse altitude la Loire jusqu’à Briare. Devant de telles conditions de vol, j’annonce à Raymond mon intention de me poser sur le terrain de Briare.

< Il n’en est pas question, le Maire M. BRISSON et son équipe nous attendent sur le terrain de Vimory ( Montargis ) >

 < tu me suis au plus prés  >

Tel un petit chien je suis le Twin Commanche: nous passons Gien. Encore 30 kms.  Nous volons à 50m au dessus de la N7, les voitures sont en code.

Raymond et Philipe m’annoncent : < attention ligne à haute tension > : je vois le Twin qui grimpe et joue à saute moutons. Instantanément, je fait de même, 1 fois, 2 fois, 3 fois, puis arrivé à un carrefour caractéristique de la N7 ( en local du terrain ) je m’annonce sans faire de tour de piste et me pose .

Jean Marie, muet depuis un certain temps, pousse un  énorme OUF de soulagement. Je souffle également, heureux d’avoir réussi à passer au travers de conditions de vol difficiles à la limite du raisonnable pour voler en VFR.

Un grand MERCI  à mes équipiers, Raymond, Philippe, Jean Marie, aux organisateurs de la course, aux Sponsors et philatélistes, à ma famille et mes amis qui m’ont soutenu.

Sans vous je n’aurais pu réaliser ce rêve et en garder à jamais un souvenir indélébile.

Alain Denise

Anecdotes

Toulouse

Cette course ne fut pas sans frayeur :
L’arrivée du speed canard fut très mouvementée sur Toulouse.
Un ciel noir recouvre la région toulousaine, ce qui n’est pas de bon augure pour un atterrissage en douceur après de longues heures de vol.
Le speed canard de l’équipage 45 se présente pour l’atterrissage final sous un ciel noir et prêt à éclater.
L’avion est dans l’axe de la piste pour se poser, mais le train d’atterrissage avant refuse de sortir.
Il a fallu l’intervention des pompiers avec le camion à mousse.
En effet la piste fut recouverte de mousse afin d’amortir l’atterrissage du petit avion car plus de train avant.
Mais grâce à l’expérience de vol à voile d’Alain DENISE celui-ci put poser le speed canard sans dommage.
Voila qui fini l’aventure de courrier-sud.
En direct de Toulouse pour RADIO MONTARGIS VALLEE DU LOING.

Eric MICHEL
correspondant pour RMVL en 1985.

Plein d'essence

Philippe Peissel fait le plein d’essence dans le réservoir supplémentaire installé dans l’avion, par mégarde le réservoir déborde. Grosse frayeur à la remise en route du moteur, on craint que ça prenne feu. Ouf… tout se passe bien. On repart sans échanger un mot, chacun sait que la chance a été de notre côté.

Christ du Corcovado

Pour l’atterrissage à Rio de Janeiro, c’est la statue du Christ du Corcovado qui nous accueille les bras ouverts, mais voilà dans le langage gestuel aéronautique avoir les deux bras ouverts et les mains orientées ver le ciel signifie que l’avion doit remonter. C’est l’histoire belge que nous raconte le contrôleur à la tour qui nous donne « quand même » l’autorisation d’atterrir. Un peu d’humour après des heures de vol, ça fait du bien.

Les mains et la tête de la statue du Christ du Corcovado ont été sculptées par le sculpteur Français Paul Landowski.

Un peu de cocorico, le monument aux morts de Cepoy près de Montargis a été sculpté également par Paul Landowski en 1922.

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