1984 - Transafricaine Aérienne
Paris - Libreville - Paris

Sommaire
Introduction
Organisée par l’Aéroclub de France en collaboration avec Total Afrique, cette course aérienne, placée sous le patronage du Président du Gabon Omar BONGO, a pour but de faire relier Paris à Libreville par des pilotes professionnels, des amateurs passionnés sur des avions monomoteurs ou bimoteurs.
Sur les traces des pionniers de l’Aéropostale et de la croisière noire de 1933 , les équipages devront à l’aller , parcourir en 3 étapes les 7357 km qui séparent le terrain de Paris Toussus le Noble à l’aérodrome de Libreville.
Chaque équipage est constitué :
- d’un pilote qualifié aux instruments IFR
- d’un copilote navigateur
- d’un journaliste narrateur
Le trajet retour Libreville – Marrakech sera effectué sous la forme d’un rallye avec des épreuves de navigation et de précision d’atterrissage.
Equipage/Avion
Avion : Mooney M 20 J F-BRIL – Catégorie 2
Pilote : Raymond Michel
Co-pilote : Alain Denise
Journaliste : Patrick de Saint-Exupéry
Parcours
Trajet aller
Pour le trajet aller, les 32 équipages s’envoleront du terrain de Toussus-Le-Noble pour rejoindre Libreville en 3 étapes.
- Etape 1 : Toussus-Le-Noble > Nouadhibou (Mauritanie) 3545 km
- Etape 2 : Nouadhibou > Cotonou (Bénin) 2712 km
- Etape 3 : Cotonou > Libreville (Gabon) 1100 km
soit plus de 7357 km à travers l’Afrique.
Les difficultés du parcours sont essentiellement d’ordre météorologique, et dans le choix des lieux de ravitaillements peu nombreux dans l’Ouest africain.
Outre les dépressions du sud de l’Europe, les concurrents devront affronter un phénomène météorologique particulier : le Front Inter Tropical (FIT).
Le FIT est une ceinture de zones de basses pressions de quelques centaines de kilomètres d’épaisseur du Nord au Sud qui ceinture la Terre près de l’Equateur.
Dans ces zones chaudes et humides vont se former en fin d’après midi de nombreux nuages d’orages, les cumulonimbus. Ces nuages à grand développement vertical sont chargés d’électricité et d’eau provoquant de nombreux éclairs, de fortes pluies et beaucoup de turbulences.
Les pilotes devront franchir ce FIT du Nord Bénin jusqu’à l’arrivée à Cotonou terme de la deuxième étape. (cf. récit d’ Alain DENISE).
Trajet retour
Pour le trajet retour, les concurrents parcourront sous la forme d’un rallye la distance Libreville – Marrakech en 4 étapes.
- Etape 1 : Libreville > Lomé (TOGO)
- Etape 2 : Lomé > Abidjan (Côte d’Ivoire)
- Etape 3 : Abidjan > Dakar > Saint Louis (Sénégal)
- Etape 4 : Saint Louis > Marrakech (Maroc)
Les difficultés du trajet peuvent être liées à un front froid venant de l’ouest des côtes sénégalaises et mauritaniennes entrainant des vents de sables à fortes densités de particules.
Récit
Souvenirs d’ Alain DENISE co-pilote de Raymond Michel sur Mooney 20F, immatriculé F.BRIL, sponsorisé par Continental Edison Saba Montargis.
Avant-propos :
Ayant vécu une partie de mon enfance en Afrique de l’Ouest, ( Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali ), j’ai toujours rêvé de revenir sur le continent africain en avion de tourisme et visiter les pays où vécurent mes parents et grands-parents au temps de l’époque coloniale de 1919 à 1962.
Lorsque Raymond me proposa de participer à la course aérienne Transafricaine comme co-pilote, je fus très honoré de la confiance qu’il m’accordait et en même temps inquiet de savoir si j’allais être à la hauteur de la tâche qui m’incombait, moi le pilote instructeur de planeur aux 1800 heures de vol mais avec seulement 200 heures comme pilote privé d’avion VFR.
Mon rêve était sur le point de se réaliser. Je me suis mis aussitôt à réviser la cartographie des pays à survoler, à apprendre les différentes procédures d’approche des terrains en vue de ravitaillements potentiels et bien d’autres choses encore.
Ce fut avec Raymond un très gros travail de préparation qui excitait mon subconscient. Plus les entraînements s’enchaînaient, et plus le jour du départ approchait, plus mon excitation était à son comble et plus mon anxiété allait crescendo.
Ce rêve d’aventures africaines se concrétisa réellement une fois le pied posé sur l’aérodrome de Toussus Le Noble, le 15 mars 1984, jour du départ de la course.
Trajet aller
Première étape : « Toussus Le Noble – Nouadhibou » 3545 km
Sur le parking du terrain, notre FBRIL brillait comme un sou neuf. Ah ! Il n’était pas d’une première jeunesse ! Et malgré ses nombreuses heures de vol il était beau notre Mooney au milieu de ses 32 concurrents. Avec ses logos « Total », « Continental Edison », le chiffre « 45 » de notre département, il ressemblait à une vraie bête de course.
Après les formalités de course, les briefings et plans de vol, les premiers départs sont annoncés pour 16 heures. Les heures nous parurent longues avant un départ que nous nous étions fixés en fin de journée pour cause d’une météo peu favorable sur l’Espagne.
Pour la première fois j’allais faire un vol de nuit en I.F.R. et découvrir la navigation aux instruments.
Nous sommes mi-mars, il fait froid. Raymond, Patrick de Saint Exupéry et moi-même sommes emmitouflés dans nos blousons. Nous attendons l’autorisation de la tour pour nous aligner. C’est OK. « Ready to take off ». Raymond pousse la manette des gaz, la carlingue vibre. Puis une fois décollé, c’est un ronronnement régulier qui ne nous quittera plus jusqu’au prochain ravitaillement. Ce sera Biarritz.
Nous volons au-dessus de la couche de nuages, aux instruments depuis plus de 3 heures, et l’aérodrome de Biarritz apparait tout illuminé tel un long ruban éclairé. L’aérogare nous semble vide ; nous faisons au plus vite pour faire le plein car le chronomètre tourne. C’est une course de vitesse pour tous les équipages et le chrono ne s’arrêtera qu’une fois posé sur l’aérodrome de Nouadhibou terme de la première étape.
La météo confirme une dépression traversant l’Espagne d’Ouest en Est. Nous décidons d’utiliser au mieux les vents les plus favorables en altitude pour aller plus vite et consommer moins de carburant.
Nous culminons à 4 000 m d’altitude ; la température extérieure est négative. Une possibilité de givre au niveau du carburateur et sur le bord d’attaque des ailes pourrait être dramatique, avec une perte de portance de l’avion. Le moteur s’essouffle par moment, le réchauffage carburateur est tiré. L’inquiétude s’installe.
Nous sommes équipés de parachute de secours dans l’éventualité d’une panne moteur. Les montagnes enneigées en dessous de nous empêchent toutes possibilités d’atterrissage de fortune. Il est 2 heures du matin, c’est le silence radio sur les fréquences.
En un instant, après un essoufflement le moteur s’arrête. Raymond actionne le démarreur sans résultat. Nous piquons vers le sol pour essayer d’entrainer l’hélice dans une rotation pour redémarrer. Le démarreur est relancé et le moteur reprend son ronronnement. C’est un énorme soulagement. Cela n’a duré que quelques dizaines de secondes mais que le temps nous a paru long.
Le jour se lève. Nous devinons à l’horizon la côte sud de l’Espagne à l’ouest de Gibraltar. La fréquence radio de la course est branchée. Nous apprenons que l’équipage d’un Bonanza a une panne moteur au-dessus de la mer entre le Portugal et le Maroc. Il fait demi-tour en urgence pour rejoindre en vol plané un aérodrome de fortune sur la côte portugaise.
Nous apprendrons plus tard à Libreville qu’il évita de peu un amerrissage en trouvant un petit terrain sur la côte, l’équipage ayant mis ses gilets de sauvetage.
Face aux vents contraires en début de matinée (16 mars), notre consommation élevée nous impose un ravitaillement plus tôt que prévu. La décision est prise de ravitailler à Tanger.
Après autorisation de la tour, nous nous posons et dégageons vers le taxiway imposé. Une voiture de la police de l’air marocaine nous demande les papiers de vol et les passeports. Elle nous demande une taxe d’aéroport avant de faire le plein… normal ? Le plein fait nous payons le carburant mais nous sommes tenus pour pouvoir décoller de laisser en plus un bakchich !!!
Cet épisode de temps perdu en discussion et palabres nous coûtera cher en minutes dans le classement général final.
Nous repartons amer de Tanger pour Nouadhibou terme de cette première étape. Le temps est clair mais l’air turbulent à cause des ascendances créées par le relief. Notre journaliste Patrick de Saint Exupéry, petit neveu de SAINT EX, a le mal de l’air ce qui nous oblige à nous poser à Casablanca pour qu’il puisse récupérer et redonner un rythme normal à son estomac.
Le chronomètre court toujours et nous repartons au plus vite pour AGADIR étape obligatoire de ravitaillement avant la Mauritanie.
Les consignes de vol dans le Grand Sud Marocain sont claires. Le directeur de la course Bernard Lamy nous demande impérativement, passé Agadir, d’éviter l’ex-Sahara espagnol, zone de conflits entre le gouvernement marocain et le peuple sahraoui en rébellion.
En effet, 15 jours avant le départ de la course transafricaine, un avion d’une expédition scientifique allemande survolant la zone fut abattu par un missile Sol Air. Il n’y aura aucun survivant parmi l’équipage et l’équipe scientifique du Dornier 27.
Pour éviter cette zone dangereuse il nous est imposé de survoler la mer à basse altitude à une distance de 2O nautiques des côtes marocaines. Durant le vol, épisodiquement, nous apercevons aux jumelles des zones militarisées du front Polisario au milieu du désert.
Passé cette zone dangereuse, nous rejoignons les falaises du plateau mauritanien en bordure de mer. Je demande à Raymond Michel d’appliquer une technique de vol à voile qui consiste à profiter d’une brise de mer qui lèche les falaises en créant des courants ascendants à l’aplomb de celles-ci. Cette astucieuse technique nous fera gagner un gain de 20 km/h sur la vitesse de croisière. Le vol est turbulent certes mais nous avançons rapidement.
Une demie-heure avant l’heure estimée d’arrivée à Nouadhibou (ex Port Etienne) nous prenons contact avec la tour de contrôle du terrain « Nouadhibou – Nouadhibou ici Fox-Romeo-India-Lima (F.BRILL), heure estimée d’arrivée dans 30 minutes ». Rien, pas de réponse sur la fréquence de la tour ? Nouvelle tentative… Pas de réponse !
Nous poursuivons le vol, puis nouvel essai radio à 5 minutes du terrain… Pas de réponse. 1 fois, 2 fois, 3 fois, toujours rien. Nous faisons un passage à 600 m au-dessus du terrain pour se rendre compte qu’il n’y a aucune activité sur l’aérodrome. Dans le prolongement de l’unique piste, une baie et le port de Nouadhibou avec 2 bateaux partiellement coulés et pas âmes qui vivent.
Face à cette situation peu courante des scénarios imaginaires se succèdent et je pense à un coup d’état, fréquent à cette époque dans les pays africains. Après un demi-tour, nous nous posons sans autorisation pour se positionner au parking face au hangar MERMOZ . Quelques équipages étaient arrivés avant nous. Personne aux alentours sur le terrain. Par une forte chaleur sèche nous nous dirigeons vers un hangar entrouvert.
Là, un concurrent nous renseigne sur la nature du silence radio et du peu d’activité sur le terrain. « Le contrôleur aérien et le personnel technique de l’aérodrome sont en grève depuis plusieurs jours. Les équipages arrivés sont dans un hôtel proche d’ici. Une voiture viendra vous chercher » ajoute-t-il.
Fin de la première étape Nous avons perdu beaucoup trop de temps dans les étapes intermédiaires mais nous avons la satisfaction d’être arrivés à Nouadhibou sans casse.
Deuxième étape : « Nouadhibou – Cotonou » 2712 km
La nuit fut salutaire mais un peu courte. Le plein ayant été fait la veille, nous partons au petit matin en ce samedi 17 mars. Direction Cotonou via Bamako, point intermédiaire recommandé par Total Afrique pour être sûr de pouvoir ravitailler.
Quelques instants après le décollage, le paysage devient désertique ; ce ne sont qu’ondulations de dunes de sable régulières à perte de vue. Les repères au sol sont inexistants, le GPS n’existait pas ; seul le temps de vol et ce cap affiché me permettent de situer notre position sur la carte.
Petit à petit les dunes se font plus rares, le paysage change. Nous abordons le nord-ouest du Mali. La couleur ocre du Sahel prédomine. Quelques cases apparaissent au milieu d’acacias et d’épineux le long d’un marigot asséché. Parfois nous survolons de longues caravanes de chameaux guidées par des Touaregs, les hommes bleus du désert.
Nous sommes à une heure de Bamako et, à l’idée de voir cette ville vue du ciel, les souvenirs d’enfance refont surface au fur et à mesure que nous nous approchons. Cette ville m’a vu grandir dans les années 1955/1956. Le Mali s’appelait le Soudan Français. J’habitai avec mes parents sur les hauteurs de Bamako dans le quartier de Koulouba, près du palais du gouverneur, devenu palais présidentiel.
Nous sommes en approche d’une arrivée par le Nord-Ouest. Nous apercevons la ville, le fleuve Niger et l’aérodrome au sud de celui-ci. Je change de fréquence radio pour une entrée vers le circuit de piste , a ce moment , nous survolons le palais présidentiel, que de souvenirs !
Sur le terrain de Bamako nous ne sommes pas seul à vouloir ravitailler. Nous faisons la queue devant la citerne à essence. J’en profite pour ouvrir le capot moteur et remettre de l’huile. Il fait 40 degrés à l’ombre et pas un souffle d’air. Nous attendons notre tour et le chronomètre court toujours.
Sur le tarmac le bimoteur du seul équipage féminin git l’aile droite brisée. Plus de peur que de mal après le contact du réservoir avec le sol sur une défaillance du moteur droit. La course est terminée pour ces dames.
Le réservoir plein nous attendons le signe du départ par le contrôleur aérien. Direction Cotonou en vol direct via le Burkina Faso, le Ghana, le Togo. Il est 15 heures.
Peu après le décollage je m’aperçois que le capot moteur vibre de façon anormale près du cockpit, puis se soulève légèrement à droite… Merde de merde… j’ai mal verrouillé la dernière vis du capot supérieur. Raymond fulmine.
Nous faisons demi-tour pour nous reposer. Il m’aura fallu que quelques secondes pour refixer le capot et redécoller mais encore du temps perdu et une consommation augmentée par ce deuxième décollage.
Aurons-nous l’autonomie nécessaire jusqu’au Benin ? Nous ne pouvons pas prendre le risque d’une panne sèche en forêt tropicale. La décision est prise de se poser à Bobo- Dioulasso au Burkina Faso ( ancienne Haute Volta ). Le déroutement est léger car le terrain est pratiquement sur notre axe. Une fois posé, presque en catimini, le ravitaillement se fera rapidement.
Nous quittons Bobo-Dioulasso en direction du nord du lac Volta, cap 130/140. Nous rentrons en zone semi-tropicale, humide alimentée par les orages du front intertropical. Le ciel se charge de nuages de plus en plus nombreux. Les premiers cumulo-nimbus apparaissent au loin avec les éclairs qui les accompagnent.
Les turbulences se succèdent à un rythme plus élevé au fur et à mesure que nous avançons. Cette zone d’instabilité avec de fortes pluies est à traverser jusqu’à l’arrivée à Cotonou. Il se fait tard, la nuit s’installe dès 18 h. Le ciel noir du Togo laisse apparaître sous le feu des éclairs des nuages impressionnants dans leur développement vertical.
En slalomant nous essayons d’éviter les cumulo-nimbus les plus importants. Les ascendances deviennent fortes et nous obligent à réduire notre vitesse pour ménager l’avion. Nous sommes ballotés à droite, à gauche. Nous subissons de fortes variations verticales avec des trous d’air qui ne sont que des courants descendants liés aux forces de cisaillement des cumulo-nimbus.
A l’approche de l’océan atlantique l’instabilité progressivement s’estompe. Nous longeons maintenant la côte du TOGO. Le Vor de Cotonou fonctionne. La ville nous apparait illuminée le long du golfe du Nigeria. Il est 22 h passé, nous nous posons sur une piste bien éclairée. Nous serons parmi les derniers concurrents arrivés, mais heureux, certes fatiguées par une longue journée de vol et quelques émotions.
Cotonou, deuxième et dernière ville étape avant Libreville. La température avoisine les 30 degrés, l’air est moite, l’hôtel est confortable. Après un buffet copieux, nous ne tardons pas à rejoindre notre chambre climatisée pour un repos que l’on espère salutaire.
Troisième étape : « Cotonou – Libreville » 1100 km
Le 18 mars 1984 nous sommes alignés au 230, prêt pour un décollage face à la mer . Les gaz à fond, les 220 chevaux du Mooney nous propulsent et en peu de temps nous quittons le sol ; à 100 m train et volets sont rentrés.
Nous survolons la côte en direction du Bénin ex Dahomey. Les petits villages de pêcheurs se succèdent, cocotiers, pirogues, plages à l’infinie façonnent le paysage. Nous arrivons en pays Popo à la frontière .
Séquence émotion : nous survolons une cité lacustre du nom de Grand Popo . Ce village avec ses maisons de bois sur pilotis a vu naitre ma mère en 1922 lorsque mon grand père administrait la région du temps des colonies. Jamais, m’avoua t elle, qu’ elle n’imaginerai que je passerai par là un jour en petit avion.
Nous quittons la côte pour l’océan en direction de l’île volcanique de Sao Tomé puis le Gabon. Les consignes de vol sont là aussi claires. Interdiction de survoler le Nigeria et encore moins de s’y poser. A Libreville nous apprendrons qu’un équipage anglais en fera les frais en se posant à Port Harcourt (Nigeria) pour ravitailler. Les deux pilotes se retrouveront en prison pour espionnage ; ils possédaient appareils photos et carte de la région !!!
Nous volons à 1500 m d’altitude, le ciel est clair. Sur la mer les moutons sont orientés suivant notre axe ce qui nous indique que nous avons un vent arrière favorable à notre navigation. Nous survolons quelques rares tankers proches des plateformes pétrolières.
L’ile de Sao Tomé est en vue sur notre cap. Nous y arrivons en temps et en heure, la navigation étant assez simple sur l’océan. La fin de notre périple approche. Nous sommes à 300 km des côtes gabonaises, soit un peu plus de 1h de vol. A l’approche de Libreville nous remarquons de nombreuses billes de bois qui flottent en mer, danger assurément pour la navigation maritime.
« Libreville –Libreville » de Fox Bravo Romeo India Lima, à 5 mn de votre terrain demande l’autorisation pour une longue finale en direct.
« Ok FBRIL ». L’approche finale se fait sur la mer jusqu’au terrain. Une fois posé, c’est une immense joie pour nous trois ; nous ouvrons le cockpit avant même de dégager la piste et là une chaleur humide nous prend à la gorge : en moins d’une minute nous nous trouvons ruisselant de transpiration. La sueur perle sur nos fronts. Au parking nous nous congratulons, heureux d’avoir réalisé en amateur ce parcours de 7357 km .
La course est terminée ce dimanche 18 mars. Les résultats seront connus le lendemain.
Nous sommes invités le lundi 19 mars 1984 le soir à l’ambassade de France. Tout le staff de la course est là. Les concurrents avec quelques noms prestigieux Henri Pescarolo et les journalistes Patrick de Saint Exupéry, Philippe de Dieuleveult, Nicolas Hulot. Nous sommes tous réunis pour connaître les résultats de la Transafricaine. De nombreux prix et coupes seront décernés le lendemain par le Président Omar Bongo .
Nous sommes 17ème au classement général, place honorable s’il se doit car nous faisions partis des rares amateurs, au milieu de pilotes de ligne ou professionnels avec des avions mieux équipés et des budgets conséquents.
Au programme du mardi 20 mars, messe à la cathédrale de Libreville puis remise des prix au palais présidentiel. Nous entrons dans la grandiose cathédrale.. Une fois installés nous attendons un certain temps sans que rien ne se passe. Puis on nous demande d’évacuer le lieu pour raison de sécurité sans savoir ce qu’il en est exactement.
Un agent de sécurité nous invite à rejoindre le palais en contournant l’immense parc. Puis nous entrons par une petite porte dans l’enceinte du palais présidentiel. Dans une salle de réception nous sommes conviés à attendre l’arrivée du Président Omar Bongo. Devant nous, assis, l’ensemble des ministres du gouvernement. Nous sommes subjugués par les nombreux bijoux en or portés par ces derniers.
Une heure se passe avant que le président ne fasse son apparition. Nous sommes debout à attendre. Les ministres se lèvent. Les premiers discours de remerciements passés, le président Omar Bongo s’excuse de devoir partir, sa fonction l’appelle.
Bernard Lamy, directeur de la course, se contente alors de donner à chacun les trophées qu’il mérite, avant de repartir après un apéritif succinct.
La Transafricaine « Paris-Libreville » est terminée. Que de souvenirs pour beaucoup de participants
Le chemin du retour se fera sous la forme d’un Rallye :
Libreville – Lomé – Abidjan – Dakar – Saint Louis du Sénégal – Marrakech (5 200 km).
Trajet retour - Rallye Libreville > Marrakech
Etape 1 : Libreville - Lomé (Togo) 1114 km
Vol sans histoire au dessus des plateformes pétrolières du golf du Nigéria pour arriver par la côte à Lomé. Nous sommes accueillis sur le tarmac par un groupe de danseurs togolais. L’ambiance est sympathique, les équipages détendus, nous ne sommes plus en course.
Etape 2 : Lomé - Abidjan (Côte d’Ivoire) 587 km
N’ayant pas l’autorisation de survoler le Ghana nous naviguons au large de la côte jusqu’à la frontière avec la Côte d’Ivoire. Une épreuve de précision d’atterrissage est prévue : nous attendons les instructions en vol.
Nous survolons les grandes plages de Grand Bassam puis de Vridi, et la lagune proche de la capitale.
Séquence émotion : j’ai connu ces endroits magnifiques de bord de mer avec mes parents et mon parrain gouverneur à l’époque coloniale. J’avais alors 2ans… Les photos tournent dans ma tête …
< Abidjan de FOX BRAVO ROMEO INDIA LIMA attendons instructions pour atterrissage >
Il nous est demandé de passer vertical terrain à 700m , de couper les gaz ,et de se poser au plus près de la cible située au milieu de la piste .
Raymond me passe les commandes :
< toi l’instructeur planeur tu dois y arriver, ok >
En terme de finesse le M20F n’a rien d’un planeur.
J’opte pour un taux de chute de 3m/s et une PTU (prise de terrain en U). Train et volets sortis, je me présente dans l’axe de piste et après une petite glissade je pose les roues à quelques mètres de la cible. Heureux j’observe les autres concurrents : de nombreux seront obligés de remettre les gaz avant ou après le seuil de piste, d’autres avaleront la piste.
Etape 3 : Abidjan - Dakar (Sénégal) 1790 km
Nous quittons les forêts denses et humides de Côte d’Ivoire pour des zones plus sèches du Nord de la Guinée. La visibilité diminue et l’horizon disparaît. Reliés par fréquence radio les équipages les plus avancés nous annoncent un vent de sable sur différents niveaux de vol. Au fur et à mesure de notre avancée le ciel devient de plus en plus ocre. Nous ne distinguons plus le ciel de la terre et volons en IFR .
Les 30 équipages s’accordent pour être à des niveaux de vol différents car nous sommes assez groupés à l’approche de Dakar. Le contrôleur aérien, pas habitué à recevoir autant d’avions est paniqué.
Il nous envoie sur un point tournant au large de Dakar pour nous espacer en vue des atterrissages.
De temps en temps nous apercevons l’océan puis plus rien à l’approche de l’aérodrome.
Nous sommes n°1 pour se poser. Raymond, concentré, s’aligne et amorce la descente : le terrain n’est toujours pas en vue. 50m à l’altimètre nous devinons enfin le seuil de piste puis à peine posé des ombres se profilent sur la piste : c’est une cinquantaine de babouins qui traverse juste devant nous, tout juste effrayés par le coup de moteur donné. Dans cette étape les conditions MTO ont étés éprouvantes et stressantes. La quantité de sable digérée par l’avion aurait pu avoir des conséquences dommageables. Fatigués nous sommes heureux d’être arrivés à bon port et de gagner l’hôtel.
Etape 4 : Dakar – Saint Louis du Sénégal
Le lendemain départ pour une épreuve de précision d’atterrissage après avoir sauté des arbres placés au seuil de piste. Pas facile !
Saint Louis 1952 -1953 j’habitais avec mes parents derrière le pont Faidherbe en bordure du fleuve Sénégal. Nous passions les WE sur l’île de Goré .
Que de souvenirs me rappelle ce rallye !
Le soir une soirée sympathique nous attendait. Nous étions à l’hôtel Mermoz entre pilotes.
Etape 5 : Saint Louis – Marrakech 1900 km
Nous décollons tôt pour cette longue étape avec un ravitaillement probable avant Marrakech et une croix au sol à repérer : direction la côte mauritanienne. Entre Nouakchott et Nouadhibou nous survolons le banc D’Arguin et ses innombrables oiseaux , lieu de tragédie qui inspira GERICAULT pour < le radeau de la Méduse > .
Nous évitons de survoler l’ex Sahara espagnol jusqu’au terrain d’ El Ayoun où nous ravitaillons. Encore 706 km avant Marrakech.
Très bel accueil des marocains au terme de cette étape (thé à la menthe, danses, fantasia).
Ce retour aventure se termine avec la satisfaction d’ être classés 5ème dans ce rallye aérien où seules les compétences de pilotage étaient prises en considération.
Souvenirs d’ Alain DENISE co-pilote de Raymond Michel sur Mooney 20F, immatriculé F.BRIL, sponsorisé par Continental Edison Saba Montargis.
Presse
Autres documents
Photos
Documents / divers
Liens
pionnair-ge.com
Visiter le site
aeriastory.blogspot.com
Visiter le site